La blockchain pour alléger la fiscalité des OPC à l’étranger
Article extrait de l’AGEFI Hebdo du 11 Juillet 2019 par Delphine Charles-Péronne, ex-directeur des affaires fiscales et comptables de l’AFG, Aujourd’hui déléguée générale Fédération des sociétés immobilières et foncières
- juillet 11, 2019
- Envoyé par : IZNES
- Catégorie: Fund Distribution
Du fait de leur exonération totale d’impôt sur les bénéfices ou de leur transparence fiscale, les organismes de placements collectifs (OPC) ne sont en général pas considérés comme des résidents de France au sens des conventions fiscales. Sauf dispositions particulières, les OPC ne bénéficient donc pas des avantages conventionnels réduisant les taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts et les plus-values perçus de l’étranger. Ils supportent des retenues à la source au taux de droit interne prévu par les Etats (généralement 30 %) au lieu des taux conventionnels (0 % à 15 %).
Une vingtaine de conventions fiscales protègent cependant les OPC et, selon la voie ouverte par l’OCDE dans ses derniers commentaires sur la convention-modèle (été 2017), une nouvelle clause, sur le modèle de celle figurant dans la nouvelle convention conclue entre la France et le Luxembourg, devrait petit à petit être incluse dans les conventions signées ou renégociées par la France.
Cette clause prévoit que les avantages conventionnels sont accordés à l’OPC à hauteur du pourcentage de son actif détenu par des investisseurs résidents de France, de l’Etat cocontractant ou d’Etats ayant signé une convention fiscale avec la France contenant une clause d’assistance administrative. Son application suppose donc que la société de gestion de l’OPC connaisse la résidence fiscale des porteurs de parts ou des actionnaires de l’OPC.
Or, les titres d’OPC sont en grande majorité dématérialisés depuis 1984 et circulent en Euroclear.
En effet, en France, ils peuvent être détenus soit au porteur, ils sont alors inscrits auprès de l’intermédiaire financier choisi par l’investisseur ; soit au nominatif administré, la conservation et la gestion courante du compte-titres est assurée par un intermédiaire financier ; soit enfin au nominatif pur, les droits de propriété sont inscrits nominativement dans un registre tenu par l’émetteur du titre, souvent la société de gestion. Ce mode de détention est plutôt réservé à des OPC avec un nombre limité de porteurs.
Lien direct
Il n’y a que dans ce dernier cas que la société de gestion de portefeuille connaît l’identité des porteurs finaux de l’OPC. Sinon, elle n’a connaissance que de l’établissement financier teneur de compte. Concernant les OPC grand public, elle ne possède donc la plupart du temps pas d’informations pour attester de la résidence fiscale des porteurs.
Or, il apparaît que la détention au nominatif pur, jusqu’à présent généralement réservée aux OPC n’ayant que peu de porteurs, va connaître un essor nouveau grâce à la blockchain.
En effet, une vingtaine de sociétés de gestion françaises se sont regroupées pour participer à une plate-forme paneuropéenne de commercialisation de titres d’OPC et de tenue du registre de ces derniers. Cette plate-forme, nommée Iznes, utilise la technologie de la blockchain et crée un lien direct entre les sociétés de gestion adhérentes et les investisseurs des OPC.
Cette gestion en ligne supprime les différents intermédiaires du circuit actuel et met la société de gestion en mesure de fournir à tout moment aux administrations fiscales étrangères un état parfaitement fiable précisant la résidence fiscale de tous les porteurs et donc de calculer le pourcentage du versement bénéficiant de l’avantage conventionnel, par exemple une retenue à la source au taux de 15 % au lieu de 30 %, voire une exonération.
Cette évolution sera dans le futur combinée à une autre avancée, issue des travaux de l’OCDE : le projet TRACE. La Finlande vient de faire part de son intention de le mettre en place dès 2021. Il s’agit d’une procédure basée sur le régime des « qualified intermediaries » (« intermédiaires qualifiés ») introduit par les Etats-Unis dans les années 2000 et facilitée par les formulaires d’auto- certification collectés dans le cadre du CRS (common reporting standard) : un intermédiaire financier signe un accord avec une administration fiscale qui l’autorise dès lors à appliquer directement les taux de retenue à la source conventionnels sur la base des informations en sa possession. La procédure est ainsi simplifiée et accélérée, avec un bénéfice immédiat des avantages conventionnels. Cela présuppose cependant que la résidence fiscale des porteurs soit connue par cet intermédiaire et donc se combine nécessairement avec une tenue des titres de l’OPC en nominatif pur, y compris par blockchain.
Grâce à ces avancées, et au fait que certains Etats exonèrent totalement les OPC étrangers de retenue à la source, selon un principe de non-discrimination avec les OPC locaux, les OPC investissant à l’étranger devraient voir les retenues à la source prélevées sur leurs revenus et gains de source étrangère considérablement réduites dans le futur.